Le awal de tallit : attention ! La maîtrise des langues n’égale pas intelligence (Par Aẓar)

La connaissance des langues étrangères a toujours été au centre du débat en Kabylie. En fait, nous savons que, d’un degré plus ou moins élevé, depuis plusieurs décennies maintenant, la Kabylie a été le fief de la francophonie en Afrique du Nord. N’oublions pas qu’elle a connu l’école française durant longtemps et qu’elle a donné d’imminents écrivains francophones, de la trempe de Mouloud Feraoun, ou encore Mouloud Mammeri.

Au fil des ans, cette culture de la connaissance de la langue française, considérée comme “butin de guerre”, s’est ancrée dans les esprits de certaines générations. Parfois, on se vante même de la maîtrise d’une telle ou telle langue, car cela donnerait un statut d’ « intelligent » au concerné. On est allés jusqu’à croire et faire croire que le sésame ou le diplôme attestant de l’intelligence d’une personne, Kabyle dans ce cas, résiderait dans la maîtrise plus ou moins parfaite de la langue de Molière. Comme si la maîtrise de cette langue rime vraiment avec intelligence. On a donc continué des décennies durant à chérir et à sacraliser cette langue du colonisateur, croyant que tout y réside.

À se demander si ce n’est donc pas le complexe du colonisé qui s’est manifesté inconsciemment en nous et qu’on a fait perdurer de fait comme cette victime qui adule son bourreau ? Sommes-nous sommés à continuer à créer dans une langue étrangère et la faire vivre quotidiennement au détriment de la nôtre ? L’ère d’internet nous impose pourtant à montrer notre langue maternelle, l’écrire et lui donner une visibilité, une place parmi les autres. Il y va de son existence.

Facebook, par exemple, est un espace opportun pour ce faire. Qu’est-ce que cela signifie de parler en kabyle dans sa maison et son village, mais dès qu’on ouvre la page d’accueil de Facebook on se met à écrire des statuts en français, des commentaires aussi, pour des amis… Kabyles ! Bref, on se fait passer pour des francophones, pour ne pas dire des Français, sans en mesurer les conséquences. Ne pouvons-nous pas communiquer en kabyle ?

Par ailleurs, et c’est la bonne nouvelle qui vient atténuer nos maux, on a assisté dernièrement à l’avènement d’une génération qui a bien vu les choses et compris les enjeux. Elle a d’abord franchi le cap en amorçant un processus de production littéraire, puis numérique dans cette langue minoritaire. Désormais, on ne compte pas uniquement des nouvelles ou des romans écrits en kabyle, mais on a aussi des applications, des logiciels, des plateformes web en kabyle. Et le travail continue !

Alors, sincèrement, à quoi bon se dire intellectuel si l’on n’écrit pas dans sa langue maternelle ?

Aẓar

Wali daɣen: