L’histoire de la langue kabyle sur le numérique (Par Mohand Belkacem)

Premières années du kabyle sur le numérique: Pour l’histoire.
Cela fait 12 ans que le premières tentatives de localisation des outils en langue kabyle ont vu le jour. Bien qu’une équipe de contributeurs ait pu lancer Wikipédia 2 ans auparavant, ce qui veut dire en 2006.
Huit années avant,en 1998, la langue kabyle a fait son entrée sur le premier standard portant sur les langues du monde. Il s’agit de ISO-639-2 alpha 3. Cette entrée a consacré l’officialité de la langue kabyle sur tous les systèmes informatiques. Les organisations kabyles en Algérie, en Europe et en Amérique doivent veiller sur ce statut pour ne pas le perdre comme pour la langue rifaine qui a été retirée suite à l’intervention du gouvernement marocain à travers l’IRCAM lorsque le berbère standard marocain fût ajouté à la liste du standard sus-cité.
La communauté kabyle doit absolument rester attentive à tout changement quant à ce statut très important sur ce standard. Car il ouvre beaucoup de portes pour les langues qui y sont codifiées.
Les premiers mois des travaux étaient très durs à cause du manque des ressources numériques et même papier portant sur la langue kabyle en matière de terminologie. Ajoutant à cela une société kabyle peu tournée vers les technologies numériques autour d’intégration linguistique et le manque de moyen de connexion, machines et formation adéquats.
Il a fallu monter un corpus terminologique en relation avec les nouvelles technologies tant bien que mal. Le lexique amazigh moderne de Mouloud Maméri et celui de Remdane Achab paru en 1986 autour des mathématiques nous ont été d’une immense utilité. Les travaux se faisaient aussi en solo sans aucun encadrement académique ou autre jusqu’en 2014.
Il a fallu ensuite passer à la vulgarisation de ce domaine sur les réseaux sociaux surtout parmi les récalcitrants ou les personnes peu formées. Des formations et des conférences ont été organisées très difficilement vu le thème, que ce soit en Kabylie ou ailleurs pour vulgariser ces travaux d’intégration numérique. Je me rappelle qu’en 2014, lors d’une présentation d’une interface kabylisée, j’ai du changer le nom de la langue et mettre Tamaziɣt pour pouvoir présenter mon projet.
Plus tard, d’autres problèmes encore plus épineux ont fait surface. Le conflits des grammaires, des syntaxes, des morphologies, des emprunts, des variantes du kabyle ont tous été posés et de façon très violente. L’histoire de langue Kabyle vs langue tamazight a pris une ampleur déraisonnée, arrivée jusqu’aux dénigrements, insultes et menaces. Sans oublier les problèmes d’ordre politiques et idéologiques que nous avons très difficilement pu contenir hors projets.
Nous avons tout de même gagné une communauté active même réduite malgré les lacunes en matière de maîtrise, technologique pour certains et linguistique pour d’autres. Une communauté qui s’agrandit de plus en plus tous les jours. Le chemin a été défriché.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons avec plusieurs projets lancés dont les plus importants sont Common Voice et Tatoeba en matière de corpus linguistiques libres. Quant aux localisations, elles ont donné fruit au premier navigateur localisé en langue kabyle dans l’histoire de son évolution: Firefox.
Beaucoup d’outils existent aujourd’hui en langue kabyle même si des insuffisances subsistent. Nous espérons que ce mouvement se poursuivra d’avantage jusqu’à donner à la langue Kabyle son indépendance totale. Pour y arriver, l’implication des DLCAs et toute la communauté académique et producteurs de contenu (auteurs) est indispensable. D’un coté, pour produire des références terminologiques plus précises et plus scientifiques, et de l’autre, garder l’autorité scientifique en matière de règles portant sur la langue kabyle (syntaxe et grammaire).
Cette aventure n’a que 10 ans. Si l’effet mode vient à se produire, tout sera remis à zéro dans au plus tard 5 ans. Il ne faut pas crier victoire. L’effort doit se poursuivre encore et encore pour recruter plus de contributeurs, alphabétiser autour des nouvelles technologie, vulgariser l’apprentissage du kabyle et le rendre gratuit sur le web via les blogs ou plateformes spécialisées. En d’autres termes, donner des moyens aux personnes pour qu’elles puissent apporter de l’aide et s’impliquer.
Le plus dur travail qui reste à faire, est celui de la mobilisation.

M. Belkacem